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Axes de recherche

Durant ces trois jours de symposium, il s’agira de donner/redonner du mouvement à la pensée deleuzienne au travers de huit axes. Ces « blocs de devenir » tenteront de tracer des lignes de fuite dans les disciplines suivantes : Philosophie, Architecture, Cinéma, Art, Littérature, etc.

Bloc de devenir / Concepts


Depuis Deleuze, nous savons que la création de concepts constitue une des possibilités, si ce n’est LA possibilité de faire de la philosophie. Alors comment se fabrique un concept ? A quoi sert un concept ? Quelle est la logique sous-jacente au concept ? Comme le dit Deleuze, dans sa fameuse conférence « Qu’est-ce que l’acte de création ? » (donnée à la Fémis en 1987) : « Il faut qu’il y ait une nécessité » ; celle-ci serait vitale pour la création de concepts. Oublions la méthode, préparons un « voyage » vers la création d’une nouvelle image de la pensée. Les réflexions porteront sur les concepts conçus par Deleuze et sur de nouveaux à l’oeuvre aujourd’hui (Les mouvements aberrants de David Lapoujade, notamment).

Bloc de devenir / Personnages conceptuel

« Le concept raconte lui aussi des histoires » disait Deleuze ; c’est pourquoi le philosophe a besoin de personnages qui ne fabriquent pas des histoires sur un plan diégétique mais du concept sur le plan d’immanence, des personnages conceptuels. Les personnages de « l’Idiot », du « Pervers » ou du « Schizophrène », ces trois-là forment comme un ensemble essentiel à la machine conceptuelle qu’est le philosophe. N’oublions pas de (re)plonger dans les portraits de philosophes « amis » - Spinoza, Bergson, Nietzsche, Leibniz, Hume - ou a priori « adversaires » - Kant, Hegel, Platon (cf. L’art du portrait conceptuel, de Chantal Jaquet et Axel Cherniavsky).

Bloc de devenir / Architecture

Gilles Deleuze a eu une profonde influence sur l’architecture contemporaine. Depuis Mille plateaux (avec Guattari, 1980), puis avec Le pli (1988), certain.ne.s architectes ont tenté de traduire par le dessin architectural les concepts de « Rhizome » et de « Pli ». Par exemple, Greg Lynn et Marcos Novak ont tenté d’inventer une architecture « liquide » via les outils informatiques et les réseaux. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pouvons-nous vivre dans une architecture rhizomique ? Sans fondations ?

Bloc de devenir / Cinéma

L’Image-Mouvement (1983) et L’Image-temps (1985), les deux ouvrages, consacrés à la création d’une théorie du monde des signes cinématographiques, ont permis à de nombreuses et nombreux penseur.e.s de se décomplexer vis-à-vis d’une approche philosophique « pop ». Deleuze peut être défini comme un des premiers, si ce n’est le premier pop’philosophe. Grâce à cette « pensée du dehors », ici le cinéma, quelle cartographie pouvons-nous en dessiner à l’heure de sa digitalisation globale ? Après « Voir-Penser » et « Parler-Penser » (Dork Zabunyan), par exemple, quels en seraient les nouveaux concepts ?

Bloc de devenir / Arts plastiques

Avec Félix Guattari, Michel Foucault, Jacques Derrida, et quelques autres, Gilles Deleuze fait partie de cette French Theory des années 1970, si influente aux Etats-Unis, dans les universités et dans le monde de l’art tout au long des années 1980, et par un effet boomerang, sur l’Europe - notamment en France -, dans les années 2000. Le monde des artistes et des commissaires d’exposition est fasciné par les concepts de « Plan d’immanence », d’« Agencement », de « Différence et répétition », de « Ligne de fuite », « Ligne de crête », etc. et, bien sûr, par l’ouvrage autour de la peinture Francis Bacon : Logique de la sensation (1981 / 2002). Comment les mouvements de la figure, les vibrations de corps sans organes s’entrecroisent et permettent un dépassement de la figuration (Anne Sauvagnargues) ? Comment ces « blocs de lignes-couleurs » permettent-ils de rentrer en résistance comme le pense Deleuze ? Quant aux allers-retours entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Europe, il serait intéressant d’interroger les anticipations conceptuelles deleuziennes à l’heure des études culturelles, de genre, post-coloniales, etc.

Bloc de devenir / Littérature

La figure de « l’Idiot » chez Fiodor Dostoïevski, celle de « Bartleby le scribe » chez Melville et du « capitaine Achab » chez Melville, constitue une constellation de personnages de fiction qui trouve chez Deleuze matière à créer des concepts. Entre l’événement et l’agencement de ces personnages, il y a de la vie au service d’un vitalisme de l’expression et la construction d’une formule du devenir (Catarina Pombo Nabais). Le personnage de « l’Idiot » ne serait-il pas à voir comme une singularité philosophique ? Peut-être faut-il revenir sur les cours et les écrits de Deleuze dédiés à Spinoza, et son recours à l’idiot comme personnage
conceptuel interprète de la vérité naturelle qui s’oppose à celle de vérité révélée et celle de vérité du savoir ? La logique de l’irrationnel serait-elle l’essence même de toute la philosophie de Deleuze (David Lapoujade) ?
Très présente dans les oeuvres littéraires convoquées par Deleuze, la place du corps est à aborder dans ce bloc de devenir. Le « corps sans organes » d’Artaud vient à l’esprit. Que peut le corps ? dirait Spinoza. Artaud répondrait par des vers qui délirent le corps commun et en appellerait à un corps vital - le corps sans organes - qui sortirait de son corps comme ses vers le font sortir de sa langue. « C’est le corps dont nous ignorons encore la puissance de vie et qui dépasse la connaissance que nous en avons » (Anne Bouillon). A l’heure des corps multiples et mouvants - notamment les LGBTQIA+ ou les trans et posthumains, le cyborg féministe de Donna Haraway, en lieu et place de la figure de déesse, etc. -, essayons de lancer de nouvelles lignes de fuite à partir de ces nouveaux agencements corporels.
Ne pourraient-ils pas être vus comme de nouveaux personnages conceptuels deleuziens ? Une piste est lancée ! Il y en a d’autres à trouver…

Bloc de devenir / Animal

Dans Mille Plateaux, véritable cristallisation du concept de « plan d’immanence », plusieurs chapitres parlent du « devenir-animal ». Il est impossible d’oublier « Souvenirs d’un spectateur » où est relatée l’histoire de Willard et d’un rat nommé Ben. Quelques lignes plus loin, dans « Souvenir d’un sorcier, I », il est question de meutes et de loups. Le loup et la meute reviennent souvent dans le « devenir-animal ». Dans ses ouvrages, le philosophe Baptiste Morizot questionne nos relations au monde des animaux, notamment dans Les diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant (2016). Dans Manières d’être vivant (2020) et Un front commun (2020), il crée des concepts qui fonctionnent comme des cartes et cherche de nouvelles alliances, de nouvelles manières d’être. Spinoza n’est pas loin. Mais existe-t-il d’autres manières d’approcher le « devenir-animal » de Deleuze ? Peut-être faut-il (re)découvrir le chapitre VII « L’homme et l’animal », dans l’ouvrage de 1953 : Instincts et Institutions ?

Bloc de devenir / Le siècle deleuzien

Michel Foucault n’avait-il pas raison ? Le XXIe serait donc deleuzien ? Dans son ouvrage Le siècle deleuzien, Jean-Clet Martin en dresse une carte avec pour contours les concepts de « Multiplicités », « Différences », « Variétés » et pour milieu des mondes pluriels.
Et vous, pensez-vous que le XXIe soit deleuzien ?